En bio, la vente directe fait toujours des adeptes

La crise actuelle montre que la résilience et l’autonomie alimentaire des territoires reposera sur une articulation fine entre circuits alimentaires de proximité et filières longues territoriales. Cette crise inédite n’entame pas l’engouement des consommateurs pour une bio, locale, bien au contraire. La force de la bio repose sur cette diversité de circuits de commercialisation. Notre dernière étude confirme cette tendance en région où 45% des agriculteurs qui se lancent en bio démarrent simultanément une activité de vente directe.

La vente directe bio en Hauts-de-France : état des lieux

Historiquement, les producteurs bio se sont toujours intéressés aux modes de commercialisation de proximité et c’est d’ailleurs cette réflexion autour de la commercialisation de leurs produits qui a permis le développement de l’agriculture biologique.

En Hauts-de-France, près de 40% des producteurs bio vendent en direct au moins une partie de leur production au consommateur. Ils utilisent en moyenne 2 à 3 modalités de commercialisation différentes. Seulement 34% se concentrent sur un seul mode de commercialisation en direct. Les 3 options les plus sollicitées sont les marchés, la vente à la ferme ainsi que les AMAP. La performance des systèmes de commercialisation semble reposer sur une articulation entre des systèmes de vente directe efficaces et des circuits plus longs planifiés et organisés en collectifs… De nouvelles pratiques émergent, favorisées par la puissance du digital et l’apparition de nouveaux outils logistiques, comme la vente en ligne, les drives fermiers, les distributeurs automatiques...

Parmi les produits les plus vendus par les producteurs bio en direct, on retrouve en tête de liste les fruits et légumes, les œufs, la viande, le lait et les produits laitiers. Les productions végétales l’emportent sur les produits carnés : des produits qui nécessitent pas ou peu de transformation. Mais les pratiques évoluent et ce sont désormais 62% des producteurs bio en vente directe qui transforment ou font transformer leurs produits en région.

Installation, conversion et vente directe

Faire le choix de la vente directe, c’est évoluer au plus près du consommateur. C’est aussi une réponse à la recherche d’autonomie commerciale dans son métier, un moyen de défendre des productions de qualité et de mettre en valeur son travail. Les porteurs de projets à l’installation en bio et les agriculteurs souhaitant passer en bio intègrent forcément des questionnements sur leur système de commercialisation dans leur réflexion globale : ils sont nombreux à se lancer simultanément en bio et en vente directe.

En région, ce sont en effet 45% des producteurs bio de la région qui se lancent en vente directe au moment de leur conversion. Pour ceux qui optent pour la vente directe après leur conversion, 90% d’entre eux le font dans les deux ans suivant leur notification en agriculture biologique. Ce sont au total près de 70 % des producteurs bio qui démarrent la vente directe au moment de la conversion/installation, ou juste après ce changement. Cela indique que la conversion n’est pas seulement un moment charnière en termes de technique, de production, mais c’est également le moment de repenser ses débouchés et sa stratégie commerciale.

Quelques clés de réussite

La réussite d’un projet en vente directe repose sur une réflexion à plusieurs niveaux :

  • La construction d’une véritable stratégie commerciale, avec un prix de vente rémunérateur
  • La connaissance du cadre réglementaire  : règles fiscales, juridiques et sanitaires
  • La mise en place d’une communication efficace pour se rendre visible auprès des consommateurs
  • La coopération entre producteurs d’un territoire pour limiter les risques de concurrence, faire émerger des solutions complémentaires et pourquoi pas des innovations de fonctionnement.

Pour aller plus loin sur le sujet de la vente directe, découvrez notre dernier cahier de l’Observatoire Régional de l’Agriculture Biologique, consacré à la vente directe en AB

Témoignage de Frédéric Eeckhout, maraîcher bio à Terdeghem et administrateur Bio en Hauts-de-France

Quelle est ton activité et comment commercialises-tu tes produits ?

Le maraîchage est mon activité principale avec une gamme de fruits et légumes la plus large possible. Nous avons travaillé dès le début avec un magasin de vente à la ferme, en 2010, ça a vite fonctionné avec le bouche à oreille. J’ai rapidement diversifié l’activité pour répondre à la demande des clients, avec des œufs à partir de 2015 et plus récemment, nous nous sommes lancés dans la production de farine. La farine est fabriquée sur place, à partir de variétés de blés anciennes, avec un moulin. En 2017, nous avons développé les ventes en travaillant avec LeCourtCircuit.fr, outil de vente en ligne très actif en métropole lilloise. Depuis, le chiffre a été multiplié par 4, ce qui qui a permis d’assurer la viabilité de l’exploitation. Dernièrement, nous avons mis en place un atelier de produits crus sous vide, toujours pour répondre aux besoins de nos consommateurs. Enfin, je travaille ponctuellement avec des distributeurs locaux spécialisés.

La diversité dans les productions et méthodes de commercialisation : une clé selon toi ?

Vendre via LeCourtCircuit.fr, en plus de mon magasin, m’offre une complémentarité intéressante pour l’écoulement de mes produits  : en effet le public lillois ne consomme pas forcément les mêmes produits que ma clientèle ici, dans les Flandres. Mais au-delà de la satisfaction des clients, la diversité de mes produits me permet de me détacher de la saisonnalité, notamment les œufs et la farine, et ainsi de lisser mon chiffre sur l’année. En résumé, cette diversité me permet de limiter les risques, tout en étant indépendant. Ce fonctionnement me permet également d’embaucher du personnel à l’année, avec en conséquence, une meilleure maîtrise des responsabilités allouées.

Quels sont selon toi les avantages et les inconvénients de la vente directe ?

J’ai fait le choix de la vente directe dès la création de l’entreprise : cela me convient parfaitement et ne me donne plus envie de partir sur un autre modèle. Dans cette pratique, c’est le client qui prime ! Aucun intermédiaire ne vient dicter sa loi et cette liberté me plaît beaucoup : c’est avoir la possibilité de produire ce que je veux, selon le calibrage que je souhaite, tout en ayant la possibilité de fixer mes prix et d’organiser moi-même le calendrier. Le réel plaisir est dans le fait d’être totalement maître de mon entreprise et d’être en contact direct avec la clientèle : forcément, il faut aimer ça ! Mais attention, la prise de risque est bien réelle. Le point de vigilance se situe sur la gestion du temps, à ne pas sous-estimer. Quels impacts sur les ventes observés en cette période de crise ? Durant les premières semaines du confinement, nous avons multiplié par 3 l’activité par rapport aux années précédentes  ! Nous avons continué à travailler avec nos débouchés habituels, mais il a fallu limiter les commandes hebdomadaires pour réussir à maîtriser le rythme, et donc maintenir la qualité. Clairement, on aurait pu travailler beaucoup plus pour répondre à la demande qui a explosé.

Quel est ton regard sur cette situation exceptionnelle quant à l’activité agricole ?

Cette crise a donné un réel coup de projecteur sur les producteurs, leur travail et leurs produits, mais aussi sur les différents canaux de commercialisation. Pour ce qui est des volumes, on est forcément sur une exception conjoncturelle, avec une population qui mange à la maison et qui prend le temps de se rendre dans les fermes pour acheter les produits. Cela va forcément évoluer avec la reprise du travail, mais j’ose espérer que les habitudes prises pendant le confinement se maintiendront par la suite ! C’est évident, nous sommes dans une conversion progressive des consommateurs vers le mieux manger. L’interrogation porte plus sur les capacités à répondre à cette demande en pleine évolution