Lien au sol dans la filière œuf et autonomie des polyculteurs : vers de nouvelles coopérations à l'échelle des territoires ?

Les principes de l’agriculture biologique reposent sur la recherche de l’autonomie des systèmes de production. Pour Bio en Hauts-de-France, la résilience des systèmes bio doit passer par un développement harmonieux entre productions végétales et animales : soit à l’échelle de la ferme en polyculture-élevage par la réintroduction d’élevage, soit à l’échelle des territoires en favorisant les coopérations entre producteurs.

La réglementation impose ce lien au sol en production animale à la hauteur de 60 % pour les ruminants et de 20 % pour les monogastriques (30 % en 2021). Par ailleurs, la réglementation va prochainement restreindre l’usage des effluents d’origine industrielle : la disponibilité en effluents locaux va se raréfier et devenir une ressource précieuse.

En région, une augmentation importante de la production d’œufs est attendue (+30 % d’ici 2021). Si cette dynamique semble positive, elle amène un certain nombre de craintes sur l’avenir de la filière notamment au regard de la taille des élevages mais surtout le manque d’autonomie : une part importante des nouveaux producteurs contourne la réglementation en créant des structures dédiées à la production AB sans lien au sol. Le risque est d’engendrer un déséquilibre entre des besoins croissants en alimentation du bétail et la production de céréales et oléo-protéagineux.

Pour mieux comprendre les enjeux et identifier des pistes de solutions, une étude « pilote » chez les producteurs bio du territoire de Douaisis Agglo a été menée. Retours sur les résultats et enseignements à tirer.

LE TERRITOIRE ÉTUDIÉ : DOUAISIS AGGLO

Le territoire de Douaisis Agglo compte 13 fermes bio principalement orientées en production végétale : cinq en polyculture, deux en pondeuses, cinq en maraichage et une en lait. Au total, 277 ha sont cultivés en bio, soit 2,7 % de la SAU, contre 1,8 % en Hauts-de-France. En 6 ans les fermes bio ont été multipliées par 2 et les surfaces par 5.

Alimentation des poules : quel taux d’autonomie du territoire en matières premières ?

L’étude de l’autonomie à l’échelle du territoire sur l’alimentation et la ressource en effluents organiques se base donc sur 7 fermes : les fermes spécialisées en polyculture (sans élevage) et celles en pondeuses (sans lien au sol).

  • Estimation des besoins alimentaires des poules pondeuses du territoire en équivalent surface

Les deux exploitations disposent de 6000 et 7000 places. La surface biologique associée correspond uniquement à celle nécessaire au parcours plein-air. Ces éleveurs achètent leur aliment complet biologique à un fabricant d’aliment du bétail, soit 585 tonnes par an. Cet aliment devra contenir à minima 30% de matière première régionale d’ici 2021. Au total, environ 44 ha de céréales et d’oléoprotéagineux bio seraient nécessaires pour atteindre 30% d’autonomie alimentaire et 146 ha pour atteindre 100% d’autonomie. alimentaire.

DOSSIER.jpg
  • Estimation de la capacité de production des polyculteurs locaux pour répondre à la demande des pondeuses du territoire

La majeure partie de la SAU bio des polyculteurs est utilisée pour des cultures à forte valeur ajoutée : légume de plein champ, céréales panifiables. Actuellement, seuls 66 ha pourraient entrer dans la composition de la ration des pondeuses (céréales fourragères, oléagineux).

Fertilisants : quelles ressources locales pour les polyculteurs ?

Actuellement, les 5 fermes en polyculture ont recours à des achats extérieurs pour fertiliser leurs cultures : fientes de volailles, bouchons composés, vinasses… Les 200 tonnes de fientes de volailles produites par les 13 000 poules bio du territoire sont valorisées auprès de 2 des 5 fermes en polyculture et ne couvrent que 40 % de leurs besoins. La dose moyenne d’apport de fientes de volaille en grandes cultures est de 2 voire 3t/ha dans les systèmes intégrants du légume plein champ. Hors légumineuses, 247 ha peuvent nécessiter un apport d’azote sur Douaisis Agglo. Or, pour être autonome à l’échelle du territoire il faudrait de 494 t à 741 t de fientes/an.

Que conclure de nos observations ?

La disponibilité en matières premières pour pondeuses et la disponibilité en effluents sont des préoccupations grandissantes pour la durabilité de la filière bio. Bien que la notion d’autonomie territoriale dépend de l’échelle d’analyse dans laquelle on se place, cet exercice révèle les progrès à faire pour favoriser l’autonomie du territoire que ce soit en matière organique ou en céréales et oléoprotéagineux.

L’utilisation de fientes n’est pas la seule ressource à prendre en compte : une stratégie de long terme est à mettre en œuvre sur la fertilité des sols. Néanmoins, cette étude montre que le territoire présente un fort déficit en fertilisant. Côté alimentation des pondeuses, 46% des besoins pourraient être couverts par les 5 fermes du territoire. Ce niveau est suffisant au regard de la réglementation mais gagnerait à être renforcé.

DOSSIER 3.jpg

Pour aller plus loin :

  • Agir avec des producteurs voisins : vous recherchez du fourrage ou des effluents ? Publiez vos annonces sur le site de référence d’échanges entre producteurs bio : www.agribiolien.fr
  • Agir à l’échelle de sa ferme : - Commandez notre nouveau recueil « Réintroduire un élevage sur ma ferme : 20 producteurs bio témoignent » - Vous êtes éleveur de pondeuses bio, contactez-nous si vous souhaitez réfléchir à une conversion de vos terres labourables pour augmenter votre autonomie alimentaire et gagner en valeur ajoutée - Vous êtes polyculteur et la fertilité de vos sols vous préoccupe ? Participez à notre forum Terr’eau Bio du 17 septembre prochain à Brunémont (59) Douaisis Agglo) où la thématique Agriculture Bio de Conservation et fertilité des sols sera mise à l’honneur.

Des questions ?

  • Hélène Plumart 07 87 32 26 10 h.plumart@bio-hdf.fr
  • Carole Bertin 07 87 32 12 54 c.bertin@bio-hdf.fr