Pas d'eau mais des idées

Les conditions de production sont aujourd’hui impactées par les évolutions du climat déjà visibles en région Hauts-de-France : augmentation de la température, irrégularité des précipitations intra et interannuelles… et qui devraient, selon les estimations du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’experts sur l’Evolution du Climat), continuer de s’accentuer dans les années à venir.

Les projections climatiques du GIEC sont associées à des trajectoires d'évolution des concentrations des différents gaz à effet de serre (GES) fonction des efforts plus ou moins grands de réduction des émissions au niveau mondial plus ou moins optimistes. Ces scénarios sont utilisés par des modèles climatiques présents sur le portail DRIAS (www.drias-climat.fr), afin de simuler des projections climatiques.

Une étude a été menée par l’association Agro-Transfert Ressources et Territoires pour analyser les évolutions climatiques de la région Hauts-de-France selon plusieurs scénarios d’émissions et d’horizons de temps (à plus ou moins long terme) à partir du modèle CNRM-M5/ALADIN 63 et des nouvelles projections climatiques de référence DRIAS 2020 (Rés’Eau, 2020).

Quels scénarios pour les Hauts-de-France ?

A titre d’exemple, pour un scénario pessimiste d’émissions de GES (correspondant à la tendance actuelle), les projections établies sur la période 2036-2050 (horizon moyen) montrent que les températures vont augmenter dans la région en moyenne de 1.7°C par rapport à la période de référence (1976 à 2005). Elles vont s’accompagner d’une légère augmentation des précipitations annuelles (+ 47mm) ainsi que d’une augmentation conséquente de l’évapotranspiration potentielle (ETP) (+92mm) en comparaison avec la période de référence. Cette forte augmentation de l’ETP en proportion des précipitations annuelles aura pour conséquence une diminution du bilan hydrique en moyenne de -52% sur l’horizon moyen.

Les données climatiques régionalisés du DRIAS permettent d’étudier les projections climatiques à une échelle territoriale plus fine (maille de 8km sur 8). Comme le montre la carte ci-dessous, il y a une forte hétérogénéité spatiale. Par exemple sur les bilans hydriques, on observe des bilans hydriques élevés, de 200 à 400 mm d’eau au Nord-Ouest et à l’Est de la région, et des bilans hydriques faibles, inférieurs à 100 mm d’eau au Centre et au Sud de la région (figure 1). La figure 2 ci-dessous, qui représente les évolutions des bilans hydriques annuels entre la période de référence et l’horizon moyen, met en évidence une accentuation des tendances déjà observées sur la période de référence : une diminution de 60 à 70mm d’eau dans le sud de la région, et une légère diminution voire une augmentation de +/- 10mm d’eau au Nord-Ouest et à l’Est de la région. De plus, les résultats obtenus dans le cadre de cette étude montrent une forte variabilité intra et interannuelle en termes de bilans hydriques à moyen terme, qui se traduira par une augmentation du contraste entre les saisons avec des hivers toujours voire plus humides, mais des étés de plus en plus secs par rapport à la période de référence.

A l’heure actuelle, les déficits hydriques sont en partie compensés par des apports d’eau d’irrigation chez certains agriculteurs. On observe notamment une augmentation des surfaces irriguées de 77% par rapport à 2010 dans la région Hauts-de-France. Cependant, ce levier n’est pas mobilisable dans toutes les exploitations et surtout sont incompatibles avec les tensions qui vont devenir de plus en plus fortes sur la ressource en eau, au vu des projections climatiques évoquées. Afin de faire face à ce changement climatique, les agriculteurs devront donc mettre en place en parallèle, d’autres leviers, notamment des leviers agronomiques, pour rendre leur système plus résilient aux aléas climatiques et notamment aux sécheresses.

figure 1

figure 2

Article proposé par Charlotte JOURNEL

Cheffe de projet Rés’Eau

AgroTransfert – Ressources et Territoires

Quelques leviers favorisant la résilience des systèmes agricoles face à la gestion quantitative de l'eau

Le projet LIFE AgriAdapt identifie les mesures d’adaptation durables ayant des impacts positifs sur la gestion de l’eau. La figure ci-dessous montre les mesures envisagées et mobilisables pour faire face à ces défis.

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Bio en Hauts-de-France cherche chaque année à intégrer davantage cet enjeu de raréfaction de la ressource en eau dans son plan d’action parmi lesquelles :

  • Démontrer la possibilité et la rentabilité de construire un système bio sans irrigation dans un territoire en tension. 3 producteurs bio ont accepté de travailler avec nous sur la simulation et la mesure d’impact de l’absence d’irrigation sur leur exploitation ;
  • Promouvoir des variétés de pommes de terre robustes face au mildiou et au changement climatique par la signature d’une convention régionale avec l’ensemble des acteurs de la filière. Une vingtaine de participants ont pris part aux premières réunions au printemps en présence des acteurs Wallons et Flamands qui ont déjà mis en œuvre une telle convention ;
  • Prendre part au projet régional Rés’eau porté par Agro Transfert pour améliorer nos connaissances sur l’impact de certaines pratiques sur la disponibilité en eau : mesurer l’impact de l’agriculture bio de conservation sur la rétention en eau des sols ; mesurer l’impact du désherbage mécanique sur la réserve utile ;
  • Améliorer la connaissance des producteurs bio par l’animation de formations dédiées.
  • Partager des références technico-économiques sur les cultures innovantes : ces nouvelles cultures peu cultivées sous nos latitudes jusqu’à présent, présentent certains atouts face au dérèglement climatique

Si vous souhaitez contribuer à notre plan d’action, exprimer vos idées de projets face à la raréfaction de la ressource en eau, n’hésitez pas à nous contacter. Par ailleurs, l’appel à projet de l’Agence de l’Eau Artois Picardie sur la résilience de l’agriculture et de ses filières face au changement climatique est toujours ouvert : www.eau-artois-picardie.fr/appel-projetsresilience-de-lagriculture-et-de-ses-filieresface-au-changement-climatique.