Sécuriser les fourrages face au dérèglement climatique

Depuis plusieurs années nous observons des changements dans la phénologie des plantes. En effet, la hausse globale des températures entraîne une pousse de l’herbe plus précoce, qui se poursuit généralement plus tard en saison, jusqu’à la fin de l’automne. Si la saison de pâturage se trouve rallongée, elle tend cependant à se stopper durant l’été en raison de la sécheresse et/ ou de la chaleur. Des tendances annoncées de nouveau par Météo France lors de son bulletin de prévision saisonnières à la fin du mois d’avril 2021, qui se sont finalement révélées aux antipodes de la réalité. Après un printemps froid et sec, peu propice au démarrage de la pousse de l’herbe, nous avons vécu l’été le plus frais depuis 2014, et le plus humide depuis 1959 (source : lachainemeteo.fr). Les éleveurs sont aujourd’hui confrontés à un contexte climatique imprévisible, pouvant varier d’un extrême à l’autre et rendant la conduite de l’herbe très complexe. Nous avons recensé quelques leviers mis en place dans les Hauts-de-France qui ont permis aux éleveurs concernés de sécuriser leurs ressources fourragères et d’améliorer leur autonomie ces dernières années.

Le pâturage de précision

Également appelé pâturage tournant dynamique, le pâturage de précision consiste à diviser un parcellaire en plusieurs paddocks de petites tailles afin de rationaliser le pâturage. Il se caractérise par un temps de présence court sur chaque paddock (de 1 à 3 jours maximum) de manière à laisser un temps de repousse suffisant à l’herbe et offrir ainsi une alimentation de qualité aux animaux à chaque passage. Pour des vaches en lactation, il convient de mettre en place des chemins solides qui permettront de desservir l’ensemble des paddocks, même en temps très humide. Aujourd’hui, de plus en plus d’agriculteurs adoptent cette méthode qui leur permet d’allonger leur durée de pâturage lors des étés secs et d’optimiser la récolte. La productivité des prairies peut augmenter jusqu’à 30 % selon la situation de départ, offrant la possibilité d’augmenter le chargement ou de faire plus de stock.

L’agroforesterie

Certains agriculteurs intègrent également des arbres (sous forme de haies, de tétards ou de fruitiers) dans leur pâturage tournant, ce qui leur permet d’accroître la productivité de leur système. L’arbre amène en effet de l’ombre, de la fraîcheur, protège du vent et représente une ressource alimentaire complémentaire. Adrien Messean, éleveur de limousines bio dans le sud de l’Aisne, utilise des rameaux feuillés, en provenance des haies, des tétards et de lisières de bois, pour nourrir son troupeau en périodes de creux. « Les rameaux d’arbre sont particulièrement bien adaptés pour compenser le manque d’herbe en fin d’été et début d’automne. Je les distribue à la place de stocks de foin ». D’autres laissent les vaches prélever elles-mêmes directement sur les arbres, selon leurs besoins. C’est le cas à la ferme du Défriché, au lycée agricole de Sains-du-Nord (59). L’exploitation comprend un atelier bovin allaitant conduit en bio et un atelier ovin conduit en conventionnel. Les surfaces présentes sont des prairies naturelles entourées de haies, typiques du bocage de l’Avesnois. Antoine Scaillierez, chef d’exploitation de la ferme, a constaté un fort prélèvement sur les haies durant les étés 2019 et 2020 et n’a pas eu à distribuer de fourrage, malgré le manque d’herbe. Pour lui, c’est évident, les ligneux constituent une ressource fourragère complémentaire à l’herbe : « La haie en tant que fourrage est une piste à explorer au vu des conditions climatiques de plus en plus difficiles l’été. J’ai déjà planté 2 km de haies et j’ai bien l’intention de poursuivre les plantations de haies et d’arbres dans les années à venir ».

Le report sur pied

Afin d’anticiper une éventuelle pénurie d’herbe l’été, certains agriculteurs préparent au printemps un report d’herbe sur pied pour l’été, sur un ou plusieurs paddocks. Cette technique consiste à maintenir une végétation après l’épiaison des graminées, durant 1 à 8 mois. Un bon report comprend une forte diversité de graminées et autres plantes et maintient une bonne valeur alimentaire par son équilibre feuilles/tiges. Ces végétations peuvent être pâturées lorsque les autres surfaces ne poussent plus. Pour plus d’informations sur le report sur pied, rendez-vous le site du réseau Pâtur’Ajuste : www.paturajuste.fr, rubrique « fiches techniques ».

Implantation de mélanges d’été

Les prairies permanentes à dominante raygras/trèfles souffrent particulièrement de la sécheresse. Étant des variétés précoces, leurs pousses débutent tôt en saison et ralentissent à l’apparition des fortes chaleurs. Certains agriculteurs décident donc de semer sur des terres labourables des mélanges prairiaux plus adaptés aux étés chauds et secs, afin d’allonger la période de pâturage. Parmi ces mélanges, on compte le plantain lancéolé et la chicorée. Le plantain, riche en tanins, s’associe facilement à la chicorée ou à un mélange de trèfles et offre un fourrage vert dans la durée. Des essais ont été réalisés dans des fermes expérimentales en Bretagne dans le cadre du programme Optialibio (OPTImisation de l’autonomie et de la résistance aux aléas climatiques des systèmes ALImentaires en élevages bovins BIOlogiques). Le compte-rendu de ces essais est consultable sur le site de l’Idele.

La conduite de l’herbe est un sujet majeur en agriculture biologique. Afin d’accompagner les éleveurs bio dans l’adaptation de leurs systèmes face au dérèglement climatique, Bio en Hauts-de-France organise des formations, des visites de ferme et des tours de plaines pour présenter différents leviers. N’hésitez pas à consulter notre programme sur notre site www.bio-hautsdefrance.org

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