En 2021, le Bureau d’Analyse Sociétale et d’Intérêt Collectif (BASIC) et Bio en Hauts-de-France ont mené une étude prospective pour identifier les problématiques du système alimentaire des Hauts-de-France à deux niveaux, à l’initiative de l’ADEME : sa capacité à répondre aux besoins alimentaires des habitants de la région, son degré de résilience face aux enjeux climatiques, environnementaux mais aussi économiques et sociaux d’aujourd’hui et demain.


L’étude, commandée et financée par l’ADEME, a permis d’analyser de nombreuses données publiques mais aussi de les partager avec 86 participants représentant des structures de l’amont à l’aval des filières agricoles (producteurs, coopératives, distributeurs, transformateurs, consommateurs, acteurs agricoles, acteurs publics). Voici un aperçu de quelques éléments clés de l’étude qui dessinent 5 grandes fragilités du système alimentaire des Hauts-de-France aujourd’hui.

Une décorrélation forte entre ce que l’on produit et ce que l’on mange

Potentiellement, nous disposons de suffisamment de surfaces agricoles en région pour produire notre alimentation. Toutefois, l’étude montre le degré de spécialisation de l’agriculture régionale en grandes cultures et en légumes industriels. Elle présente également comment cette spécialisation touche les outils agro-industriels. En ressortent par exemple, un fort déficit de meunerie, d’outils de transformation de viandes et une transformation du lait centrée sur des produits à faible valeur ajoutée (lait, crème, poudre plutôt que fromage). Mise en parallèle, l’empreinte spatiale de l’alimentation régionale montre que si l’on produisait ce que l’on mange, 87% des surfaces devraient être consacrées aux produits de l’élevage.

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Une rentabilité en baisse et une fragilité due à la dépendance aux intrants importés

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Des indicateurs de productivité qui se dégradent questionnent la résilience économique des fermes. Dans le secteur céréalier, pour 1 euro de consommations intermédiaires (engrais, produits phytosanitaires) ou de capital investi, les exploitations génèrent 70% de revenus en moins en 2018 par rapport à 2008. S’ajoute à cela une dépendance forte des systèmes aux approvisionnements en ressources non renouvelables, comme le pétrole ou le phosphate.

Des impacts de plus en plus documentés sur l’environnement

L’étude propose également de nombreux graphiques et cartographies pour documenter l’impact des filières alimentaires sur le réchauffement climatique, la biodiversité, l’eau et les sols. De la qualité des eaux souterraines à la capacité d’accueil des polinisateurs, les 19 indicateurs mis en avant montrent que la région Hauts-de-France est particulièrement exposée aux menaces engendrées par le dérèglement climatique et aux pressions sur l’environnement.

Des difficultés grandissantes à proposer des emplois de qualité dans les filières alimentaires

Le défi est aussi économique et social pour les filières alimentaires régionales. La faible attractivité des métiers liés au système alimentaire régional entraine des difficultés de recrutement et de renouvellement des emplois. Elle s’explique par des caractéristiques spécifiques de la filière sur les conditions de travail : taux de recours à l’intérim plus élevé dans les IAA que dans le reste de l’industrie (7,5% contre 3,2%) ; recours au temps partiel 2 fois plus élevé dans la Grande et Moyenne distribution que dans le reste des secteurs de l’économie. S’ajoute à cela une problématique d’attractivité de l’emploi sur les fermes (26% à 46% des projets d’embauche sur les fermes du Nord et du Pas-de-Calais font face à des problèmes de recrutement).

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Des difficultés à faire bouger les pratiques alimentaires

Enfin, côté consommation, on observe une certaine inertie sur l’évolution des comportements alimentaires. Si on connaissait le taux élevé de pathologies liées à l’alimentation en Hauts-de-France (obésité, troubles nutritionnels, etc.), l’étude met également en avant d’autres indicateurs moins connus et notamment : un poids bien plus important de la restauration rapide en Hauts-de-France que dans la moyenne française, avec des effectifs plus élevés de 50% et un quasi-doublement de leur nombre en l’espace de 10 ans.

Un plaidoyer pour des filières bio, territorialisées et équitables

Au-delà de ce diagnostic, l’étude amorce un travail prospectif sur notre système alimentaire régional en 2050. De quoi mettre en face de ce tableau assez sombre, de nombreuses initiatives portées par de acteurs des Hauts-de-France, et notamment par les fermes bio de la région ! Une présentation plus détaillée de ce travail sera proposée le 16 mai lors de l’Assemblée Générale de Bio en Hauts-de-France, venez en débattre !

Témoignage d’Isabelle WISNIEWSKI, Chef de projet Euralimentaire

En quoi ce diagnostic vous a intéressé ?

J’ai très vite compris l’intérêt d’une telle étude sur l’adéquation production-consommation, notamment en vue d’apporter des réponses aux sollicitations que nous recevons de la part des porteurs de projets et start-ups à ce sujet.

Quels éléments vous ont le plus marquée ?

Les résultats de cette étude sont assez rudes, sans trop de surprise, mais en même temps très optimistes puisqu’ils permettent de faire des choix en donnant de la transparence sur les actions à mettre en œuvre. C’est relativement encourageant ! Si les pistes de travail présentées peuvent être vécues comme des contraintes, elles sont autant d’atouts pour la Région et son avenir.

Un outil qui vous sera utile ?

Oui, ce rapport donne une vision claire des enjeux de l’agriculture d’aujourd’hui et de demain en région, avec aussi la possibilité d’obtenir des données à des échelles territoriales. Un outil très complet mais à la fois très accessible grâce à des illustrations des concrètes, offrant une simplicité de lecture sur le constat et l’analyse.

Un point que vous aimeriez approfondir ?

Avec ce panorama très documenté, et encore plus dans le contexte actuel qui fait résonner la question de l’autonomie, je m’interroge sur la prise en main des résultats produits : et si on se mettait autour de la table pour challenger les solutions à mettre en œuvre ? Est-ce qu’on essaie d’aller au bout de la démarche ? Je suis curieuse de connaître l’aboutissement.

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