L’agriculture biologique est régulièrement questionnée sur son impact réel et chiffré sur la biodiversité. A l’échelle européenne et nationale, la littérature scientifique met en évidence que les parcelles bio abritent en moyenne 20 % d’espèces de plus, et jusqu’à 30 % d’individus supplémentaires. L’étude récente de l’INRAE « Biodivlabel » comparant les différents labels et leurs effets sur la biodiversité vient conforter ce travail. Mais qu’en est-il en Hauts-de-France et dans nos fermes régionales ? Grâce à une collaboration inédite entre agriculteurs et naturalistes, impulsée par Bio en Hauts-de-France, des données précises dévoilent son intérêt incontestable.
Face à une pression agricole élevée — usage de pesticides 30 % supérieur à la moyenne nationale, rareté des haies ou prairies, domination des monocultures — l’agriculture bio offre une alternative respectueuse des écosystèmes. « Elle recrée des milieux favorables à la faune et à la flore, avec des pratiques comme les rotations longues et diversifiées, la réintroduction de l’élevage et des prairies, les haies ou les bandes fleuries », explique Jean-Baptiste Pertriaux, co-directeur de Bio en Hauts-de-France.
Des inventaires d’arthropodes menés avec l’ADEP et avec le soutien de la DREAL en 2023 et 2024 ont mis en évidence l’abondance (nombre d’individus) et la diversité (nombre d’espèces) présentes dans les infrastructures écologiques des fermes bio (syrphes, papillons, fourmis, araignées, fourmis, coléoptères carabiques…).

Des pratiques favorables aux insectes
L’exemple de suivi chez Pierre-Elie DEQUIDT
La ferme de Pierre-Elie Dequidt, située à Marconnelle (62), a bénéficié de ce suivi biodiversité en 2022. L’exploitation produit des pommes de terre/endives/lentillons-épeautre/maïs/lentille-caméline/luzerne/lin textile/blé/triticale.
Depuis son installation en 2017, Pierre-Elie a entamé une conversion progressive de la centaine d’hectares de la ferme vers l’AB, pour atteindre le 100% bio à horizon 2024.
« Je suis touché par la nature et la biodiversité, c’est ce qui m’a ramené vers ce métier. Mais je souhaitais limiter mon impact sur l’environnement ».
Il augmente progressivement le nombre d’IAE sur sa ferme, avec un linéaire d’1 km de haies, la plantation d’arbres isolés ainsi que des bandes fleuries.
« J’ai également réduit la taille de mes plus grandes parcelles avec la mise en place de différentes cultures entre mes bandes fleuries. C’est une expérience intéressante, j’ai beaucoup appris sur le fonctionnement d’une haie et comment l’améliorer. J’ai également été surpris d’accueillir 40 espèces d’abeilles sauvage ! »
Résultats intermédiaires des relevés effectués par l’ADEP sur la ferme de Pierre-Elie Dequidt :

Des pratiques favorables à la vie du sol
En 2025, nous avons démarré le comptage de vers de terre et l’analyse de la faune microbienne permettant aux agriculteurs de mieux comprendre et gérer la vie de leurs sols. Cette démarche est menée dans le cadre du projet AgriBioDiv, en partenariat avec le Conservatoire d’Espaces Naturels, Terre de liens et avec le soutien de l’OFB. Elle implique 9 agriculteurs bio de la région représentant une diversité de systèmes : grandes cultures (dont une en ABC), maraîchage, prairies permanentes et élevage. L’objectif : comparer des parcelles en agriculture biologique historiques (plus de 10 ans) avec des parcelles récemment converties, afin d’évaluer les dynamiques de biodiversité liées à la durée de la pratique biologique.
Des protocoles de terrain rigoureux
Deux protocoles scientifiques ont été mis en œuvre :
- Test Bêche Vers de Terre : permet de quantifier et qualifier les populations lombriciennes du sol.
- Indice QBS (Qualité Biologique du Sol) : basé sur l’analyse de la mésofaune du sol, notamment grâce à un système d’extraction de type Berlèze.
Quelques chiffres clés :
- 108 échantillons de vers de terre et 45 échantillons QBS, réalisés lors de 17 sessions de prélèvement.
- 15 parcelles étudiées, sur 9 fermes aux pratiques agricoles diverses.
- 575 vers identifiés : 488 endogés, 46 anéciques stricts, 31 épigés, 20 épi-anéciques et 4 non déterminés.
Malgré une météo peu favorable (printemps sec, peu de pluie, vents soutenus), les résultats permettent déjà d’esquisser certaines tendances, avec une diversité fonctionnelle notable dans les parcelles anciennes en bio.
En savoir plus :
Jean-Baptiste Pertriaux : 07 87 32 64 37 – jb.pertriaux@bio-hdf.fr














