Amaury Beaudoin, éleveur laitier à Villers-sur-Auchy (60)

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Installés en lait bio depuis 1995, Amaury et son épouse Hélène sont partis de loin, en reprenant une ferme sur le point de s’arrêter dans le Pays de Bray, région de bocage. En véritables pionniers du lait bio en région, et en plein contexte de crise de la vache folle pour démarrer, ils remontent leurs manches, s’appuient sur quelques personnes-ressources et prennent progressivement leurs marques. Amaury prône aujourd’hui les vertus de l’herbe, de l’autonomie et de l’agriculture durable.

« Nous n’avons pas emprunté le chemin le plus facile, mais aujourd’hui je suis fier du travail accompli », résume Amaury pour raconter son histoire à contre-courant. Installé avec son épouse Hélène directement en bio, en pleine crise de la vache folle, avec une ferme vieillissante peu adaptée à l’élevage qu’ils souhaitent mettre en place… 25 ans plus tard, leurs pratiques sont inspirantes pour beaucoup d’éleveurs.

« C’était une évidence de démarrer en bio, mais dans un monde productiviste, on est conditionné productiviste : je voulais faire du bio mais ne voulais pas baisser en productivité. » Il commence avec 40 hectares et 27 Prim'Holstein. Aucun circuit n’existe à l’époque, tout est à construire. Amaury recherche la productivité, il fait de l’enrubannage et distribue du concentré. Puis la rencontre avec André Pochon, spécialiste de l’herbe breton, conduit au basculement vers le pâturage. « Travailler avec l’environnement, respecter le bien-être animal, fournir une alimentation adaptée, c’est l’objectif ». Son frère Nicolas Beaudoin, ingénieur agronome à l’INRA, lui apporte quelques clés et enfin, Sophie Lambertin l’emmène vers des réflexions innovantes sur la question du bien-être animal. La démarche va aujourd’hui au-delà du cahier des charges « agriculture biologique ».

Les 110 vaches actuelles, de race frisonne et normande, sont en système 100% herbe, été comme hiver « on a investi dans un séchage en grange en 2006 pour aller vers zéro déchets plastiques, l’herbe est séchée avec l’énergie solaire ». Il ne produit plus de céréales, ne laboure plus. Il pratique le pâturage tournant dynamique : « J’ai amené l’eau sur les 42 parcelles, les vaches changent de parcelle tous les jours. Je leur ai fait un chemin pour la traite, pour qu’elles aient un peu de confort. On a stoppé l’écornage des veaux et on les laisse maintenant plusieurs semaines avec leur mère ». Des vaches qui entretiennent le bocage et produisent un lait très riche, à leur rythme : « notre lait jaillit de terre ! ».

Etudier le potentiel naturel de la ferme, pour aller finalement vers moins de dépenses et moins de travail « Plus on est en lien avec l’environnement, mieux ça va et meilleur est le revenu ». Autonomie énergétique, valorisation du fumier, apiculture, arboriculture… « On a mis des panneaux solaires partout ; je produis plus que ce que je consomme en énergie ». Et plus de 700 arbres fruitiers ont été plantés sur les parcelles, pour créer des corridors écologiques mais aussi pour offrir de l’ombre aux vaches. Depuis l’installation, Amaury et Hélène ont investi environ 2,5 millions d’euros sur la ferme.

Amaury, pour qui « l’agriculture biologique est la voie royale pour la préservation de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique », est persuadé que l’agriculture biologique peut nourrir la planète : « Une étude m’a permis d’apprendre que mon lait nourrit 2000 personnes ! ». Avec des circuits de commercialisation voulus diversifiés, il vend notamment son lait à Jean-Marie Beaudoin, son frère fromager, et approvisionne même l’Elysée en yaourts produits par l’entreprise Quart de lait, située à Argenteuil.

Amaury transmet son enthousiasme aux futures générations ; ses enfants assureront la relève. En travaillant avec des stagiaires, il espère leur montrer que devenir son propre patron présente de multiples intérêts et que la richesse de l’agriculture est dans multiplication des petites fermes. La ferme a ouvert ses portes au public à l’occasion de la Fête du lait bio, le 4 juin dernier. « On veut montrer notre façon de travailler et que c’est possible de produire avec une empreinte écologique positive ! ».

FERMOSCOPIE :

  • 1995 : installation en bio
  • Surface : 130 hectares (dont 2,5 hectares de blé panifiable, le reste en pâture)
  • Cheptel : 110 vaches
  • Production : 450 000 litres / an
  • Commercialisation : coopératives, transformateurs indépendants
  • ETP : 4 ETP et des stagiaires
AMAURY BEAUDOIN