Anthony Demanez, éleveur laitier bio à Marbaix (59)

Nos idées et nos envies changent avec le temps. Anthony Demanez le démontre parfaitement. Le jeune éleveur basé à Marbaix dans l’Avesnois sera « officiellement » installé en 2024 sur la ferme familiale. Alors que pendant 26 ans, il s’est tenu à dire qu’il ne deviendrait jamais agriculteur. Son projet ? Transformer son lait en fromage et faire de la vente directe à la ferme.

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Transformer son lait en fromage, faire de la vente directe à la ferme, mais aussi ouvrir ses portes au public pour parler de son métier et le valoriser « C’est un métier qui a du sens, connecté à la nature, et qui permet une grande autonomie de décision et dans l’organisation de son travail. Un métier qui permet d’allier qualité de vie et performance du système, contrairement à ce qu’on pourrait croire ». Un discours empli de fierté et d’assurance, qu’il porte au travers de nombreux projets et qu’il incarne d’ailleurs dans la nouvelle campagne de communication lancée par le Parc naturel régional de l’Avesnois « En Avesnois, on a tous un producteur bio près de chez soi ! ».

Difficile de croire que ce fils d’éleveurs rejetait complètement l’idée de reprendre la ferme familiale quelques années plus tôt. « Le métier me paraissait trop dur et peu rémunérateur. Plus jeune, je ne m’intéressais pas du tout à la ferme ». Vision lucide sur les difficultés de la vie agricole marquée par le suicide de son père en 2010. Il s’éloigne alors du pays bocager : études à Lille, essais, abandons, petits boulots… En parallèle, sa mère continue seule à l’activité et la fait certifier bio en 2017, pour une meilleure valorisation du lait. « C’est quand j’ai effectué un service civique au pôle environnement dans le Collectif Parasites que j’ai changé mon regard sur l’Avesnois. » Au sein de cette association culturelle, de jeunesse et d'éducation populaire, il a notamment participé à des chantiers de plantation de haies, le rapprochant des questions liées à la biodiversité. « Je suis ensuite parti à vélo jusqu’en Turquie… une expérience qui m’a donné le temps de réfléchir sur à envies. De me dire que finalement, produire du lait et faire du fromage, ce n’est pas si mal », raconte-t-il avec un sourire.

C’est donc en septembre 2019 qu’il rejoint sa mère, prend ses marques et fait son expérience en tant que salarié, avant de se former pendant 2 ans en choisissant la voie de l’apprentissage. Dès son arrivée sur la ferme, il met en place le pâturage tournant et réduit le chargement pour aller vers plus d’autonomie sur la partie fourragère. Plus d’autonomie également grâce à l’agroforesterie qu’il développe : « 3 kilomètres de haies ont été réimplantés et 80 fruitiers replantés grâce à des chantiers participatifs… de quoi préserver le bocage, booster la biodiversité, ombrager les parcelles, mais aussi développer le bois plaquette pour les litières de ses normandes et pourquoi pas à terme, alimenter la chaudière ». Une recherche de résilience également dans le contexte de réchauffement climatique.

Très vite, il se rend compte qu’il n’avait pas mesuré l’ampleur de la tâche. Après deux hivers assez rudes, il fait le choix de la monotraite en juin 2023 pour se libérer d’une astreinte et met en place d’autres solutions pour alléger sa charge de travail : vaches plus longtemps en pâture, vaches nourrices, pâturage d'hiver… Son créneau : intervenir le moins possible ! Également sur le parcellaire des vaches, qui valorisent plutôt bien l’herbe haute. Côté débouché, le travail se poursuit en circuit long : « Le lait part majoritairement à l’Esat du Pont de sains, le reste en coopérative. Mais je ne souhaite pas travailler éternellement en circuit long et compte construire une fromagerie et vendre la production directement à la ferme. Pour le côté éthique de proposer un produit maîtrisé de la pâture, au fromage. Et aller chercher de la plus-value bien sûr. »

Sa mère se met doucement en retrait sur l’activité, un salarié travaille à temps plein sur la ferme. Dans sa démarche, Anthony s’entoure : « Ma réflexion est largement nourrie par les rencontres que je fais notamment dans des groupes de travail dans lesquels je m’investis : ces rencontres me donnent des clés sur certains axes comme la qualité de vie au travail, le pâturage… c’est un réel soutien ». Une belle dynamique pour la Ferme des Provins, au sein d’un territoire moteur en matière d’agriculture biologique.

ANTHONY INTERIEUR OK