Une année 2023 difficile pour les arboriculteurs : « pas de fruits, pas de prix »

Suite à l’enquête « résilience » menée auprès de 200 fermes bio régionales début 2023, Bio en Hauts-de-France a rencontré plusieurs arboriculteurs bio durant l’été afin de caractériser les problématiques actuelles de la filière. Les conclusions mettent en évidence l’impact cumulé de la baisse de consommation, la hausse des coûts de l’énergie, la baisse de rendement lié au dérèglement climatique, mais aussi quelques pistes de développement mises en place avec les producteurs.

Une consommation en baisse

L’arboriculture fait face à la baisse de la consommation alimentaire. De manière très conjoncturelle au cours du 3ème trimestre 2023, les achats de fruits et légumes frais bio ont reculé de 6 % en volume et de 7 % en valeur par rapport au 3ème trimestre 2022. Il est à noter néanmoins que parmi les consommateurs bio, ceux de plus de 60 ans ont accru leur consommation de fruits et légumes bio : +9% par rapport au 3ème trimestre 2022. (Source : Agence Bio)

Hausse des charges et baisses des prix

L’effet ciseau (augmentation des charges et baisse des prix) est bien visible sur les résultats économiques. Les prix payés aux producteurs sont en baisse depuis 2022, jusqu’à chuter en-dessous du coût de production en 2023. On observe des prix plus volatiles depuis 3 ans et une diminution de la vente directe encore difficile à chiffrer. La majorité des arboriculteurs considère que la santé économique de leur ferme s’est dégradée depuis 3 ans.

Illustration de l’évolution des prix des pommes bio françaises en Grandes et Moyennes Surfaces depuis 3 ans :

graph evolutioprix pommes

Baisse des rendements

A cela s’ajoute une récolte 2023 décevante avec des rendements très inférieurs aux années précédentes, de l’ordre de 70% en moins en pommes par exemple. Certains producteurs ont confié que c’était « la pire récolte de leur carrière ». Les mauvaises conditions climatiques du printemps ont impacté la floraison et cela se combine avec le phénomène naturel d’alternance ; c’est-à-dire le fait que l’arbre subit un cycle bisannuel qui voit se succéder une année avec une forte production de fruits (telle que 2022) à une année avec peu de fruits (telle que 2023) ; phénomène particulièrement marqué cette année.

Impact du changement climatique

Les producteurs de fruits font face à des défis techniques liés au changement climatique sur une culture qui peut difficilement s’adapter d’une année à l’autre. Le changement climatique est concret puisque les épisodes de gel sont plus fréquents sur les 6 dernières années et font davantage de dégâts notamment après des hivers doux et moins marqués où les arbres redémarrent plus tôt. Les précipitations moins régulières et des épisodes orageux intenses remettent en question les choix variétaux tels que la poire conférence, fleuron de la production en région mais gourmande en eau, qui se voit ainsi passée de mode pour les futures plantations.

De nouveaux ravageurs comme le Cydia Lobarzewskii font leur apparition depuis 5 ans alors qu’ils étaient présents uniquement dans le sud de la France auparavant. Le carpocapse est désormais capable, quant à lui, de produire trois générations dans l’année contre une il y a quelques années, et les anthonomes sont également plus nombreux. Concernant les pathologies, l’oïdium se développe également, cela est à corréler avec la baisse des précipitations : cette maladie fongique aérienne se développe entre 10° et 20°, lorsque l’air est humide mais l’eau sous forme liquide ne permet pas sa germination à l’inverse de la tavelure.

Des facteurs de résilience à travailler

Néanmoins, l’enquête a également révélé que la diversité à la fois dans la production et dans les débouchés permet de gagner en résilience. De nombreux projets sont en émergence notamment la plantation de variétés plus robustes, l’installation de lutte anti-gel, l’intégration de moutons dans le verger pour rompre le cycle de certains ravageurs, la fertilisation à base de jus de luzerne, la mise en place de panneaux photovoltaïques en autoconsommation permettant de diminuer les charges de stockage et de réfrigération, la recherche de nouveaux débouchés au plus près du consommateur, les producteurs nous donnent la preuve de leur adaptation.

Bio en Hauts-de-France souhaite poursuivre sa mobilisation et crée un espace d’échange ouvert à tous les arboriculteurs bio de la région afin de réfléchir ensemble, de partager et d’organiser des temps utiles à tous : formations ou visites de vergers et pourquoi pas par la suite accompagner un projet collectif.

Depuis 2017, nous avons découvert un nouveau fléau avec lequel nous devons composer : l’aléa climatique. Vous me direz qu’il a toujours existé : la grêle, la tempête, les inondations… mais depuis 5 ans, il est quasiment systématique avec des épisodes de gel en 2017, 2019 et 2021. Pour 2023, c’est sous une autre forme qu’il s’est manifesté avec une absence d’ensoleillement pendant la floraison. Pas de soleil, pas d’abeille, pas d’abeille, pas de pollenisation… décidément on cumule les ennuis avec un petit 20% de récolte cette année, des coûts en constante augmentation (main d’œuvre, emballages, carburants…) et des prix qui stagnent, voire qui baissent. L’arboriculture prend de plein fouet les changements climatiques et il est difficile pour nous producteurs de voir l’avenir avec sérénité.

Pierre Lecerf, Les Vergers de Beaudignies

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