Evolution climatique et intensification des sécheresses, quelles adaptations pour le milieu agricole ?


Le changement climatique, tout le monde en parle, de plus en plus le vivent et certains l’étudient. A quoi devons-nous nous attendre d’ici 10, 20, 30 ans ? Et comment s’adapter dès aujourd’hui ? Dans ces changements globaux, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a étudié plus précisément le risque sécheresse. Cet article expose les principales conclusions de l’avis du conseil scientifique du comité de bassin Seine-Normandie.

Aujourd’hui, il y a déjà des zones sous tensions

Actuellement, la Seine est un bassin qui reçoit en moyenne 800 mm d’eau plutôt bien répartis dans l’année. Cependant, il présente aussi un fort taux d’évaporation (70%) dû entre autres à son occupation des sols. Ainsi seulement 30% des précipitations alimentent les cours d’eau et conduisent à la recharge des aquifères. Les nappes phréatiques, quant à elles, contribuent à près de 80% des débits naturels lors de l’étiage, ce qui réduit l’impact des sécheresses.

Aujourd’hui, certains territoires connaissent déjà des tensions sur la ressource, par exemple le bassin de l’Aronde (Compiègne). Ces zones de répartition des eaux (ZRE) présentent un déséquilibre entre la ressource et les besoins. Elles font l’objet de démarche de régulation. Par exemple, l’État peut assurer une gestion plus fine des demandes de prélèvements dans cette ressource, grâce à un abaissement des seuils de déclaration et d’autorisation de prélèvements pour les différents usagers.

Et demain ? : « Situations plausibles de sécheresses chaque année sur le bassin dans les prochaines décennies »

Voici les conclusions des simulations hydrologiques qui ont été réalisées sur la base de 14 modélisations climatiques régionalisées :

  • la longue sécheresse de 1944-1949, considérée comme exceptionnelle en termes d’intensité et de durée, deviendrait la norme sur la période 2030 – 2060 ;
  • les sécheresses agricoles (humidité du sol inférieure à la décennale sèche) seraient plus sévères et plus longues que dans le passé ;
  • les sécheresses hydrologiques verraient leur durée décupler.

L’analyse fine montre notamment que les sécheresses se caractériseraient par un nombre important de mois passés en sécheresses chaque année plutôt que par une alternance d’années de sécheresses extrêmes entrecoupées d’années sans sécheresses.

Mais les conséquences des prévisions pourraient s’aggraver de par l’augmentation des prélèvements d’eau

Aujourd’hui, les prélèvements en eau sur le bassin de la Seine sont en premier lieu destinés à produire de l’eau potable (1,4Md m3 en 2016), en second lieu pour les usages industriels (500 M m3 en 2016) et enfin pour l’irrigation (119 M m3 en 2016, sachant que les prélèvements agricoles sont en augmentation tendancielle mais varient beaucoup d’une année sur l’autre selon les conditions météorologiques).

Cette étude a fait un focus sur les ZRE qui montre une prédominance de l’eau potable (63% des prélèvements), mais un poids croissant de l’irrigation (31%). Or le nombre d’irrigants augmente (3% en 2000 et 6% en 2010), et cette pression pourrait croître.

D’autres pressions pourraient aussi augmenter à cause du changement climatique. En période de canicule, la consommation journalière connaît des pics de +15 à 20% au-delà de la consommation estivale moyenne. D’autres usages pourraient également être plus demandeurs en eau (refroidissement industriel et énergétique…).

De plus, c’est aussi moins d’eau dans les cours d’eau ce qui implique une augmentation de la pression qualitative liées aux différents rejets par exemple des stations d’épuration.

Il est important de prendre conscience que chaque usage (eau potable, industriel, agricole) aura un impact sur le changement climatique. Et en sera impacté en retour.

Comment s’adapter ?

Il existe deux grands types de stratégie : la gestion de l’offre ou celle de la demande.

La gestion de l’offre consiste à prélever plus. Par exemple en différant le prélèvement et l’usage par la construction d’infrastructures comme les retenues, les barrages etc… Ce qui permettrait de capter les pluies plus abondantes de l’hiver pour les réutiliser en période sèche. Cependant cette stratégie présente des aspects qui aggraveraient la situation :

  • Cette captation diminuera la recharge des eaux souterraines (eau non évaporable) et donc la capacité de celles-ci à jouer leur rôle de réserve et de soutien d’étiage. Cette réduction de contribution aux débits des cours d’eau a été estimée à –50% les années sèches.
  • L’occurrence de sécheresses relativement longues réduit le potentiel de remplissage des retenues. De plus le stockage d’eau libre conduit à des pertes par évaporation.

Il est reconnu que la politique de l’offre génère un besoin toujours accru en eau.

La gestion par la demande en impliquant tous les usagers dans une logique de responsabilité collective et territoriale. La réduction de la consommation en eau potable est possible (réglementation remplissage des piscines individuelles par exemple). En zone agricole, miser uniquement sur l’optimisation de l’irrigation ne semble pas suffisant et risque de mener sur une impasse à long terme.

Des techniques existent déjà telles que le choix de cultures et/ou de variétés adaptées aux nouvelles conditions pédoclimatiques. Il est également nécessaire de développer des techniques permettant d’améliorer leur réserve utile :

  • Augmenter la matière organique,
  • Réduire les ruissellements et l’érosion tout en facilitant le transfert vers les nappes (couverts, haie, agroforesterie…)
  • Limiter l’évapotranspiration (mulch…)
  • Utilisation de l’arbre comme « ascenseurs hydrauliques » (agroforesterie).

L’agriculture biologique utilise déjà nombre de ces leviers et cherche à les perfectionner dans une logique d’amélioration continue et de recherche de résilience. Encourager le développement de l’AB ou ces techniques sur vos territoires est une aide aux agriculteurs pour se préparer à ces changements climatiques.

Pour aller plus loin

  • Rendez-vous au salon Terr’Eau Bio les 30 juin et 1er juillet pour participer à la conférence « Quand l’eau viendra à manquer… » le 30 juin à 10h sous la direction de l’Agence de l’Eau Seine Normandie. Et venez y découvrir des techniques innovantes et rencontrer des acteurs engagés : agroforesterie, cultures de diversification (quinoa, soja, tournesol, mélanges céréales-protéagineux…), rôle et gestion d’une haie, agriculture biologique de conservation pour améliorer la fertilité des sols…
  • Découvrez 15 actions menées par Bio en Hauts-de-France pour améliorer la résilience du système agricole et alimentaire régional : https://www.bio-hautsdefrance.org/actualites-bio/15-actions-pour-une-agriculture-bio-r%C3%A9siliente-et-une-alimentation-durable/
  • Enfin le projet Rés’eau, piloté par Agro transfert, démarre pour 5 années afin d’adapter les différentes solutions techniques aux différentes zones pédoclimatiques des Hauts-de-France.

Pour plus d’info, contactez Delphine : d.beun@bio-hdf.fr