À Sainghin-en-Mélantois, dans la campagne lilloise, la ferme des frères Côtes est bien plus qu’un simple lieu de production maraîchère. C’est un projet de vie, une aventure agricole portée par deux frères, Pierre et Clément, unis par une vision commune : cultiver durablement et sans gaspillage.
Tout a démarré en 2021, après plusieurs années de réflexion, de stages et d’expérience sur le terrain. Pierre, ingénieur agronome passé par l’ISA et formé à la ferme du Héron, a acquis une solide maîtrise du maraîchage bio. Clément, lui, vient du monde de la gastronomie. Cuisinier formé à Orchies et Amiens, il a travaillé dans des restaurants étoilés avant de raccrocher le tablier pour le jardin.
Leur terrain ? Un pari audacieux. Une zone humide proposée par la commune de Sainghin en Mélantois, découverte en plein hiver alors que les habitants étaient en train de faire du patin à glace dessus. Il a fallu se projeter, creuser une mare, des tranchées, et penser le lieu dans une logique de permaculture, où chaque élément du système trouve sa place.
La permaculture comme boussole
Ici, aucun produit chimique. « On n’utilise rien, pas même ce qui est autorisé en bio », précisent-ils. Tout est pensé pour travailler avec le vivant, s’inspirer de la nature plutôt que de la contraindre. Le terrain, classé zone humide prioritaire (ZH2), ne peut être bétonné. Sur place, pas de mécanisation lourde, tout est manuel, avec du matériel récupéré ou de seconde main : les serres ont été dénichées sur un site de petites annonces, le tracteur d’occasion tourne encore, et le reste fonctionne grâce à la débrouille et aux partenariats locaux, comme avec leur voisinage pour le matériel, ou une entreprise paysagiste auprès de laquelle ils récupèrent leurs déchets verts pour les valoriser.
Leur approche repose sur un zonage stratégique (zones de vie, de travail et de cultures selon les besoins d’intervention), la méthode du verger-maraîcher (agroforesterie) adaptée aux sols hydromorphes et la plantation de haies (2 250 arbustes en 2 hivers !) qui protègent, drainent et attirent la biodiversité. Une métamorphose des lieux en moins de 4 ans. À proximité, ils cultivent aussi une parcelle de fruitiers en haute tige (pommiers, poiriers, pruniers, cognassiers…) ainsi que divers petits fruits rouges.
Maraîchers et artisans du lien local
La ferme produit une cinquantaine de variétés de légumes tout au long de l’année, ainsi que des plantes aromatiques, fleurs comestibles et des fruits. Les productions sont vendues au marché de Sainghin de mai à novembre, à une dizaine de restaurateurs locaux, en paniers en ligne via Casa Miam, ou transformées en bocaux pour éviter le gaspillage. Une activité traiteur et événementielle complète leur offre.
Et puis, il y a leurs événements signature, comme la Fête de la Courge, organisée chaque automne : un rendez-vous devenu incontournable dans le village. « C’est un moment fort », expliquent-ils. « Il y a plein d’enfants, c’est festif, local, et ça nous oblige à être organisés, à faire un peu de ménage sur la ferme », plaisantent-ils.
Un duo, une vision
Ils s’appellent les frères Côtes, un surnom donné par des copains devenu une marque à part entière. Leur communication est spontanée, ancrée dans le concret : montrer la réalité du métier.
« Au début, on passait pour des doux rêveurs », racontent-ils. Il a fallu convaincre, faire ses preuves, s’intégrer. Mais leur travail, leur réalisme agricole hérité d’une famille du secteur et leur ancrage local fort les ont fait reconnaître parmi les producteurs du coin.
Et demain ?
L’avenir s’écrit à Fretin, avec un projet de restaurant prévu pour 2027, dans le cadre d’un projet communal. Ils y géreront un gîte, une salle de séminaire, et surtout un restaurant de produits 100 % bio, ou presque, en toute transparence sur les fournisseurs.
Et à côté, les chantiers continuent : développement de la vente en ligne, accueil d’entreprises et de scolaires et poursuite des événements fédérateurs comme la Fête de la Courge.
Fermoscopie :
- 2021 : installation 100% en bio
- SURFACE : 1,6 ha + 5500m² de vergers
- CULTURES : cinquantaine de variétés de fruits et légumes ; un peu de transfo
- VENTE : en direct majoritairement (marchés, paniers), restauration
- EMPLOI : 2 ETP + ponctuellement des stagiaires et des WWOOFeurs
